« Viens, je te dis que ça va être amusant ! » Le petit garçon faisait de grand signe à la fillette, comme pour l’encourager à lui emboiter le pas. Pourtant, elle semblait réticente à l’idée de le suivre, peu rassurée par ces envies d’aventures improvisées. Elle restait plantée sur place, hochant négativement la tête.
« Bon, tu viens ?! » Le petit brun s’impatientait, haussant de plus en plus le ton.
« Mais maman a dit qu’on n’avait pas le droit d’aller là-bas, Max. » Un profond soupire d’agacement s’échappa d’entre les lèvres de Maxim.
« Tu n’es qu’une trouillarde ! » Vexée, la petite Lara fronça son nez et ses sourcils, tout en calant ses petits poings fermés sur ses hanches. Son aîné l’avait provoqué et sa fierté ainsi piquée à vif ne pouvait que la pousser à prendre son courage à deux mains pour le rejoindre. Ils étaient au bord d’un lac, dans un grand parc. Ils venaient très souvent ici en famille et lorsque les parents s’installaient dans l’herbe fraîche pour discuter et profiter du soleil, les enfants s’amusaient. Ils avaient toujours eu pour consigne de ne pas s’approcher du plan d’eau, ce dernier se situant derrière la colline et donc hors du champ de vision des adultes. Évidemment, Maxim n’en faisait qu’à sa tête et ne pouvait pas résister à l’envie de braver les interdits. Or, en étant accompagné c’est toujours plus marrant !
« Max ! Attends moi ! » La petite fille se mit à courir pour rattraper son cousin, qui lui longeait le lac. Très vite, Lara se posta à ses côtés sur le ponton. Ce dernier était bien avancé sur le plan d’eau.
« Tu crois qu’il y a des poissons ? » -demanda-t-elle en osant à peine regarder le bord.
« Oui. De gros… Qui veulent te manger les pieds ! » La cadette lui donna une petite tête.
« Arrête ! Ce n’est pas drôle ! » Mais alors qu’ils observaient paisiblement la surface, la voix de leur mère se fit entendre derrière eux. Face à leur désobéissance, elle semblait terriblement fâchée contre eux et les rappelait d’un ton des plus autoritaires.
« Vite, dépêchée ! » Pour sa part, Maxim prit aussitôt la poudre d’escampette pour regagner la berge rapidement et éviter de trop se faire disputer. Lara voulu en faire de même, mais en pivotant sur le côté elle se prit les pieds dans son lacet défait et chuta. Elle en perdit l’équilibre et passa sous la rambarde du ponton, la tête la première dans l’eau. Le cri de sa mère résonna dans tout le parc, et Maxim se stoppa net. Il se retourna et chercha du regard sa petite cousine. Personne. Elle n’était plus là ! Il revint sur ses pas, un peu apeuré et découvrit alors Lara dans l’eau, entrain de se débattre. L’enfant était si jeune qu’elle ne savait pas encore nager. De plus l’eau était vaseuse et rendait ses mouvements difficiles. L’histoire de ces énormes poissons mangeurs de pieds lui faisait peur et elle paniquait à l’idée que ça lui arrive… En somme, elle était entrain de se noyer sous les yeux du petit garçon, qui était impuissant et choqué. Il l’entendait appeler à l’aide entre deux tasses, le bruit de l’eau l’assourdissait tandis que cette image frappait violemment son esprit. A cause de lui. Elle se noyait par sa faute, elle qui était si douce et si sage. Lara allait mourir parce qu’il n’était qu’un idiot.
« Max ! ...Max...! » La voix de la fillette résonnait dans sa tête. Il ferma les paupières très fort et pria pour que ça s'arrête. Sa tante et bientôt son oncle criaient, alors que sa cousine ne faisait plus un bruit...
« Lara... LARA ! » - Maxim se réveilla en sursaut, comme souvent depuis de nombreuses années. Il était un adulte désormais. Lara se portait comme un charme, ayant fini à l'hôpital mais sans séquelle suite à ce malheureux accident. Il n'avait pas de raison de se punir encore aujourd'hui... Pourtant son coeur d'enfant avait été marqué de culpabilité ce jour-là, au fer rouge. La trace semblait indélébile. Il en faisait des cauchemars... Sans cesse.
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« Et sinon, toi, comment t’as su que tu voulais faire ce métier ? » La nouvelle petite stagiaire le fixait de ses grands yeux vert, apparemment curieuse de connaître ce qui l’avait poussé à embrassé une telle carrière. Travailler avec les animaux semblait être tellement beau et utopique au premier abord. On ne pensait pas aux contraintes, à tout ce temps qu’il fallait leur consacrer et les heures passées à les dorloter. Quand l’un était malade, on pouvait être rongé d’inquiétude. Quand un autre progressait, on était empli d’une immense joie ! Comme un parent le serait pour son enfant, finalement ! Maxim se souvenait de ses débuts, lui aussi en tant que stagiaire dans un autre zoo, plus au nord des États-Unis. Il se rappelait de tout, dans le moindre détail… Et plus particulièrement de ce jour où son supérieur dû endormir un lion car ce dernier avec un soucis au niveau de ses coussinets, à la patte avant gauche. Le problème était fréquent chez les fauves en captivité, puisqu’ils n’usaient pas autant leurs griffes que dans la nature… Généralement les soigneurs attendaient le plus longtemps possible avant d’anesthésier un félin, étant sensible au niveau cardiaque. Alors là, Maxim avait eu « la chance » d’assister à une telle intervention en étant un petit débutant. Un fois l’animal sédaté, on lui avait proposé d’entrer dans le box. Il y était allé à tâtons, bien qu’animé par une excitation indescriptible à l’idée d’approcher le roi des animaux. En se penchant, lorsque ses doigts passèrent dans l ‘épaisse crinière de l’animal, Maxim comprit. C’est à cet instant précis qu’il eu ce fameux déclic. C’était avec ces espèces là qu’il voulait travailler au quotidien. C’était avec ces animaux majestueux qu’il souhaitait passer le plus clair de son temps ! Ce simple contact avait comme qui dirait créer une connexion entre les fauves et l’apprenti soigneur. Cette flamme naissante n’allait que croitre au fil des années et il n’en était pas possible autrement.
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Maxim sortait tout juste de l’enclos des lions, après son tête à tête avec Maya, une jeune lionne tout juste transférée dans le parc. Il était plutôt fier de sa progression puisqu’elle semblait s’intégrer de mieux en mieux au groupe. Ce soir encore il était resté un peu plus tard pour s’assurer que tout irait bien pendant la nuit, chacun dans son box. La tête ailleurs mais des plus satisfait, il se rendait donc tranquillement aux vestiaires, où il allait pouvoir récupérer ses affaires. Maxim sifflotait tout en traversant le parc, jusqu’à activer son badge pour accéder aux coulisses. Il n’y avait plus grand monde à cette heure-ci ; si ce n’est même plus personne hormis le gardien de nuit. C’est donc le plus naturellement du monde qu’il poussa la lourde porte des vestiaire et s’y engouffra, loin de se douter qu’il y avait quelqu’un qui se changeait.
« Hé ! » Dans un réflexe insoupçonné, Maxim détourna le regard et pivota sur le côté.
« Désolé. Je pensais être le dernier. » Mélanie se tenait face à son casier, et il n’avait pu qu’apercevoir un t-shirt plaqué contre sa poitrine. A en deviner son agitation, elle devait s’empresser de le revêtir, à la grande déception du soigneur. Il ne pouvait pas le nier, Mélanie était très mignonne et une indescriptible attirance le poussait toujours plus vers elle. Or, il se prenait très souvent des portes.
« C’est bon, mademoiselle est visible ? » -demanda-t-il d’un ton taquin, en commençant tout doucement à se retourner. Oh et puis tant pis ! Il avait déjà vu des soutiens-gorges ! Tout en regagnant finalement son casier à l’autre bout de la pièce, il commença à retirer son propre t-shirt et passa à côté de la jolie brune.
« Comment ça se fait que t’es encore là ? » Il déverrouilla la petite porte métallique et attrapa une serviette et un déodorant. Certes, ça n’était pas des plus propre, mais la douche l’attendait chez lui !
« Je devais changer le pansement de Tito. Il n’a pas été très coopératif… Et toi ? » Maxim hocha la tête, tout en vacant à ses occupations, soit se changer ; puis lui répondit le plus sérieusement du monde :
« Oh, j’attendais de me retrouver seul avec toi. J’espionne les jolies filles dans les vestiaires ! » Elle sembla surprise d’une telle réplique et le fixait avec de grands yeux. En croisant son regard, Maxim ne pu s’empêcher de rire.
« Je rentrais les lions, détresse ! » Il la vit alors se retourner pour ranger ses dernières affaires, ne manquant pas de le traiter gentiment d’idiot. Mais alors qu’elle allait franchir le seuil de la porte pour le laisser tout seul, Maxim s’empressa de fourrer ses affaires dans son sac à dos et d’enfiler son t-shirt propre.
« Attends…! » Mélanie se stoppa quelques instants et l’interrogea d’un simple regard.
« Tu fais quelque chose ce soir ? » Elle esquissa un sourire et leva les yeux au ciel. Il ne loupait jamais une occasion celui-là !